Samedi dernier, on traversait la Manche direction Londres pour ce qui devait être l’événement de l’année sur la scène metalcore. Une affiche cinq étoiles regroupant trois maîtres du genre : Polaris, Bury Tomorrow et surtout While She Sleeps qui ont littéralement retourné l’Alexandra Palace pour le bonheur de nos yeux et le malheur de nos muscles.
Une date à ne pas manquer. C’est le postulat duquel les Anglais de While She Sleeps sont partis en évoquant leur premier Alexandra Palace en tant que tête d’affiche. Un moment d’anthologie qui devait laisser des marques. Autant vous dire qu’ils ne croyaient pas si bien dire il y a quelques mois…
Lorsque l’on a quitté nos terres, plusieurs questions nous tiraillaient : quelle setlist allait-on découvrir sur scène ? Un retour aux sources était annoncé par le groupe. A quelle sauce allait-on être mangés dans la foule ? Les Anglais sont réputés pour leurs pits enragés. Comment les premières parties (Polaris et Bury Tomorrow) allaient endosser le rôle de chauffeurs de salle ? Quels guests allaient on découvrir sur scène ? On avait bonne espoir pour Simon Neil sur Nervous…
Tant de questions qui ont trouvé réponse dés les premières notes de Nightmare de Polaris. Pour le dire platement, nous nous sommes vus « mourir » plusieurs fois. Une vue imprenable sur la scène depuis notre troisième rang, un mosh de la taille du Trix d’Anvers et des musiciens particulièrement ravis d’être là ont fait de ce premier support act une réussite comme on en voit très rarement dans le game. Pas d’échauffement, la guerre est déclarée d’entrée de jeux et nos corps s’en souviennent. Un premier concert bluffant de puissance mais aussi d’émotions, tant la présence de Ryan Siew s’est également faite ressentir dans le coeur de ses collègues. Polaris a encore beaucoup de choses à dire et gageons qu’ils le feront sur le haut de l’affiche dans très peu de temps.
Malgré tout, c’est Bury Tomorrow qui marquera les esprits au fer rouge. Un show survolté qui nous a valu quelques sueurs froides (les 2000 crowdsurfers escomptés par Dan Winter-Bates ont largement fait le taff, grâce à nos bras déjà meurtris). Quarante-cinq minutes de pur metalcore, avec des classiques immanquables en live tels que Abandon Us, Choke ou Black Flame. Petit à petit, le sextuor britannique se positionne comme une référence en la matière, dynamitant comme première partie ou comme têtes d’affiche tant et si peu que ces 45 minutes nous ont paru bien courtes malgré la douleur ressentie (il faut souffrir pour être métalleux). Sacrée prouesse dont on espère qu’elle sera un tournant dans leur carrière et qu’elle leur permettra à leur tour de refouler les planches de cette salle mythique, mais en tant que headliner cette fois.

C’est pourtant While She Sleeps qui devait endosser ce rôle et autant vous dire qu’ils étaient attendus comme le messie. Notre idée de se reculer un peu aura sans doute été notre meilleur décision de la soirée : depuis le pit, le concert s’est avéré tout simplement grandiose. Habitués aux salles de taille modeste, Sleeps ont sorti l’artillerie lourde samedi, entre échafaudages et pyrotechnie des grands soirs. Une production hors du commun pour un concert hors du commun qu’ils attendaient avec impatience depuis des mois (et dont ils rêvaient timidement depuis des années, en témoignent leurs nombreuses déclarations à ce sujet).
Mais cette production possède également ses zones grises. Grises parce qu’elles ne nous ont pas empêchés de passer l’un des moments les plus intenses de 2023, mais aussi parce qu’elles nous ont laissé un léger « goût de trop peu ». Et ça commence par le fait que While She Sleeps nous a tellement habitués aux concerts intimistes qu’il nous a parfois semblé perdre cette dimension humaine qui forge leur caractère. Un Loz Taylor des grands soirs qui ne saute pas dans la foule, on n’a pas l’habitude. Il va donc falloir se faire à l’idée que While She Sleeps fait partie des grands maintenant et que, par extension, nous allons devoir accepter la distance qui va avec. Distance qui, ne vous méprenez pas, ne nous a pas pour autant déçus : la Sleeps Society est sans doute l’une des fanbases les plus unies de la scène metal. Bienveillance et convivialité sont toujours au rendez-vous et ont rendu cette soirée mémorable (malgré la bagarre mais seul un métalleux peut comprendre que bagarre et bienveillance ne sont pas incompatibles).
Notons également que la fierté non dissimulée des membres du groupe a sans doute également pesé dans la balance de cette « distance » : un show calculé, une scène sur-mesure et 10 000 personnes sous les yeux, ça vous change une atmosphère. While She Sleeps a tout simplement voulu faire honneur à la salle de leur rêve en proposant un show à la hauteur de l’endroit. Et là-dessus, on ne va pas bouder : le pari a été amplement réussi et on ne peut s’empêcher de ressentir un peu de fierté nous aussi.
Néanmoins, petite déception quand même sur l’absence totale de guests. Pas de Simon Neil à l’horizon comme on l’avait envisagé. Seul Dan de Bury Tomorrow montera sur scène et récupérera les quelques notes de Oliver Sykes sur Silence Speaks. Attention, cela n’entachera pas le show. Disons simplement qu’il aurait été plus grandiose encore.
Enfin, on ne pourrait pas clôturer cet article sans parler de la setlist de la soirée : un enchainement classique agrémenté de quelques belles surprises : Our Courage, Our Cancer et Seven Hills pour ne citer qu’elles. Le passé rejoint donc l’avenir puisque Self Hell embrasera elle aussi le dancefloor. Bref, de quoi passer une soirée remarquable tant sur le fond que sur la forme.
On retiendra donc de cette soirée une ambiance des grands soirs et un travail de longue haleine pour un résultat des plus concluants. On attendait beaucoup de cette date exceptionnelle, et While She Sleeps a fait bien plus que remplir son contrat à ce sujet. While She Sleeps a surtout franchi un cap indéniable qui les installe durablement sur la scène metalcore et qui semble d’ailleurs lui donner un nouveau souffle. Et c’est sans doute ça, l’étoffe des plus grands.
