Interview : Stick To Your Guns

Quelques heures avant leur concert explosif à l’Ancienne Belgique, nous avons eu la chance de poser quelques questions à Andrew et Adam, respectivement bassiste et batteur de Stick To Your Guns, à propos de leur nouvel album, Keep Planting Flowers, mais aussi sur le hardcore de manière générale.

Comment vous sentez-vous, quelques heures avant votre concert ici en Belgique ?

Adam : A vrai dire, on se sent un peu fatigués ! Nos agendas sont vraiment chargés, et puis, on vient des Etats-Unis, alors le jet-lag, tout ça… On est en tournée depuis deux semaines et on a eu un seul day-off ! C’est dur.

Andrew : Par contre, c’est un des shows qu’on attend le plus, clairement. C’est peut-être même le highlight de la tournée, dans cette super salle, dans une ville où on a toujours passé de très bons moments. On est déjà venus en 2017, puis on est passés par le Trix, et franchement, ce sont des shows incroyables à chaque fois. On est à la fois nerveux et excités.

Si vous êtes là aujourd’hui, c’est pour présenter votre nouvel album, Keep Planting Flowers. Pouvez-vous nous en parler un peu plus, notamment de sa genèse, de son processus de création ?

Andrew : C’est une question intéressante car on n’avait pas vraiment prévu de faire un album à la base. On a changé de batteur, notamment. Adam est arrivé alors qu’on ne savait pas encore très bien ce qui allait se passer dans le futur. Lorsqu’il nous a rejoints, on a senti une sorte d’étincelle, avec de nouvelles idées, et l’envie d’écrire des chansons simplement pour le plaisir. Ça s’est fait finalement fait de manière très naturelle.

Adam : Ça a été très rapide, honnêtement. L’écriture s’est faite très vite. Les deux premières chansons, Permanent Dark et Invisible Rain, ont été écrites en juin, et on a fini la phase d’écriture en avril.

Comment travaillez-vous en tant que groupe ? Chacun joue-t-il son rôle ou bien tout le monde travaille-t-il ensemble ?

Andrew : Jesse (le chanteur, ndlr) est le parolier. Chris et Josh (les guitaristes, ndlr) viennent alors avec leurs propres idées, du point de vue la structure, ce genre de choses, puis on s’ajoute. A vrai dire, on vit chacun dans des endroits très éloignés : certains sont à L.A, d’autres au Canada, puis en Europe… Donc on partage nos idées par Internet !

A la première écoute, de mon côté, j’ai trouvé que l’album était plus brutal que les précédents, mais avec un message particulièrement positif : il est possible de faire changer les choses, de les rendre meilleures. Est-ce-que vous croyez véritablement en la volonté des gens de se bouger ? Est-ce-que vous êtes optimistes à ce sujet ?

Adam : Oui, je suis assez optimiste à ce sujet. En fait, avant de rencontrer Jesse, j’étais plutôt négatif sur la question. En passant du temps avec lui, je me suis rendu compte qu’il y avait des gens qui cherchaient vraiment à faire bouger les choses dans un monde particulièrement laid. Je pense définitivement que les gens peuvent changer, de la même manière que moi, j’ai changé. J’ai vraiment l’impression que de plus en plus de gens essaient vraiment de s’impliquer.

Andrew : Je pense qu’il n’y a pas d’autre chemin à suivre, finalement. Concernant l’album en lui-même, je trouve aussi qu’il sonne bien plus heavy que les précédents. Ce que je n’avais pas ressenti au début par contre, c’est que le message est quant à lui plus positif que d’habitude. Je pense que c’est ce qui a manqué dans le précédent opus. Certains peuvent ne pas apprécier cet aspect, donc je suis vraiment content de recevoir ce ressenti de ta part.

A l’inverse, est-ce-que vous ne ressentez pas une certaine exaspération générale chez les gens face à ce qui se passe dans le monde ? Comme s’ils ne se sentaient plus concernés et préféraient tout simplement se désolidariser de tout ça.

Adam : J’ai l’impression que beaucoup de gens sont tout simplement apathiques et c’est compréhensible, puisque le monde est vraiment très dur en ce moment. Néanmoins j’ai l’impression que de plus en plus de gens essaient de manifester un peu plus de positivité. On le voit notamment avec les incendies à Los Angeles, l’entraide est immense. Davantage de personnes au quotidien essaient de tirer le positif là où ils peuvent.

Andrew : Je pense que les gens ont déjà beaucoup de choses à gérer chez eux-mêmes, comme aller au boulot, s’occuper de leur famille, etc, surtout quand on voit à quel point les temps sont durs. C’est donc compréhensible qu’ils laissent un peu le reste de côté et se concentrent sur eux-mêmes.

Est-ce-que votre album serait, en quelque sorte, une réponse à cela ?

Andrew : Ouais, en fait, j’espère ! J’espère qu’on offre une sorte de message de résilience et d’espoir. Tout ce qu’on peut faire à notre échelle, c’est essayer de faire de ce monde un endroit plus sympa.

A ce sujet, est-ce-que vous pensez que le hardcore représente une bonne manière d’exprimer ses convictions et de faire bouger les choses ?

Adam : Totalement, oui. Avant, quand j’étais gosse, je n’en avais rien à faire des problèmes sociaux, je n’en entendais pas vraiment parler, je ne m’y intéressais pas. Puis, tu te retrouves à écouter un artiste qui en parle, et tu commences à comprendre. Je pense sincèrement que la musique est un média hyper important pour faire passer le message. Je pense même que ça devient nécessaire de s’exprimer par le biais de la musique, parce qu’il y a une nouvelle génération de gamins qui arrivent et qui ont besoin de comprendre les enjeux de tout ce qui se passe pour le moment.

D’un autre côté, vous parlez également de ces personnes qui ne s’expriment pas, qui restent silencieuses face à ça et qui ne se positionnent pas. Est-ce-que c’est visé vers quelqu’un, ou quelque chose en particulier, comme la scène musicale en général par exemple ?

Adam : Je pense que c’est plus général que ça. En fait, même les gens qui s’expriment pourraient s’exprimer davantage. Il n’y a personne en particulier que l’on dénonce, mais c’est un sentiment que l’on partage. Du moins, c’est ce que j’en ai déduit ! (rires)

J’ai une question concernant votre collaboration avec Terror. Vos sonorités sont quand même très différentes : Terror est particulièrement brutal, dans la forme la plus pure du hardcore. Vous faites plutôt dans le mélodique. Comment vous êtes-vous accordés ?

Andrew : En fait, on connait Terror depuis près de 20 ans. On a tourné plus souvent avec eux qu’avec n’importe quel autre groupe et personnellement, c’est un des groupes que j’écoute le plus. On a vraiment créé une amitié avec eux. Scott (Vogel, le chanteur, NDLR) en particulier s’est toujours montré très gentil avec nous, très encourageant envers notre travail. Sur cet album-ci, on voulait simplement faire un feat, et on a tout de suite pensé à lui. On lui a posé la question et il a tout de suite dit oui. Ça s’est fait de manière hyper simple au final.

Adam : Scott est un fervent défenseur de la scène hardcore. Peu importe si tu es plus mélodique ou plus heavy, il soutient la cause.

Andrew : Les gens pensent souvent qu’il s’intéresse au son uniquement, qu’il soit le plus brutal possible, mais ce n’est pas le cas du tout. Il s’intéresse surtout au sens que l’on donne au hardcore, à ce qu’il représente pour nous.

Question subsidiaire : la chanson en question dure 54 secondes, elle est donc extrêmement courte. Pourquoi ? (rires)

Adam : (rires) L’idée de base c’était de revenir aux bases et de faire une chanson qui sonne ancienne. On voulait quelque chose d’efficace. Il y a deux parties : la partie rapide et le breakdown. Simple et efficace. Plutôt du hardcore old-school, en somme.

Puisque l’on parle un peu du hardcore de manière générale, je me demande : est-ce-que vous sentez une forme de revival du genre pour le moment ? Avec des groupes comme Knocked Loose ou Get The Shot par exemple qui fonctionnent bien aujourd’hui. Vous-même évoluez vers de plus grandes salles.

Adam : En fait, oui. C’est fou de voir comme les groupes peuvent devenir grands en ce moment. On voit des amis commencer dans de toutes petites salles, devant 20, 50 personnes, puis s’illustrer sur de grandes scènes comme The Catalyst à Santa Cruz (5000 personnes en tout, NDLR). C’est impressionnant de voir ça. La scène a littéralement explosé. Tout ce que j’espère, c’est qu’ils restent fidèles à eux-même. Mais honnêtement, je n’avais jamais imaginé voir ça un jour.

Andrew : Nous, Stick To Your Guns, on vit plutôt une sorte de roller-coaster. Parfois on grandit, parfois on stagne un peu. On ne se focalise pas là-dessus. On fait ce qu’on a envie de faire avant tout.

Enfin, dernière question : que diriez-vous à vos fans pour qu’eux-aussi, ils se joignent à cette bataille que vous dépeignez, et s’impliquent dans ces sujets de société ?

Andrew : C’est une question très intéressante. Je dirais que notre musique parle déjà pour elle-même, et plus spécifiquement Jesse, qui essaie pendant les shows de transmettre le message. Je pense que nos fans voient ce qu’il se passe dans le monde et se sentent déjà en partie concernés par tout ça.

Adam : A vrai dire, nos paroles sont déjà très directes à ce sujet. S’ils prennent le temps de les lire, ils comprennent.

Andrew : Je pense d’ailleurs qu’avec Stick To Your Guns spécifiquement, les fans écoutent les paroles. Ils savent de quoi on parle, de quoi notre discours est fait. J’espère sincèrement que notre job est bien fait à ce niveau-là. On essaie de créer des ponts entre différentes communautés, en offrant des possibilités de concerts à des prix réduits par exemple, dans des librairies, etc. On fait vraiment en sorte d’être ouverts.

Et toi, t'en as pensé quoi ?