Mustii : « l’idée est de chanter de façon vivante et d’emmener le public, pas de le déprimer »

A l’occasion de son passage à la MCFA de Marche-en-Famenne, nous avons rencontré Mustii pour parler de 21st Century Boy, de cinéma, de scène… Voici notre entretien !

L’album est sorti il y a pratiquement un mois maintenant, comment tu te sens ? Comment vis-tu ces semaines qui sont quand même très intensives entre la promo et les concerts ?

Ça va encore ! Les concerts sont assez éparpillés à part quelques dates qui se suivent, comme hier (au Central de La Louvière : ndlr) et aujourd’hui (à la MCFA : ndlr). La promo, c’est quelque chose qui me plaît parce que je parle de choses que j’aime, qui m’importent ! Je suis plutôt fatigué physiquement par rapport aux concerts mais je ne vois pas du tout ça comme une corvée ! Je suis justement très content que l’album soit là et d’avoir des avis extérieurs. C’est de la bonne fatigue.

Est-ce que justement tu peux nous parler de ce « 21st century boy » ? Certains font le lien avec Hamlet, d’autres voient une sorte d’alter ego, mais qui est-il finalement ?

Il y avait moyen d’avoir plusieurs interprétations. Pour Hamlet (pièce dans laquelle Thomas jouera en 2019 : ndlr), c’est plutôt une coïncidence magique parce que ce personnage et le personnage de l’album ont des points communs alors que je n’y ai pas pensé du tout au début. La proposition du metteur en scène est venue par après et en replongeant dans ce texte, je me suis rendu compte de ces points communs entre lui et ce personnage qui parcourt l’album. A la base, mon inspiration vient plutôt de films sur l’adolescence, notamment Elephant de Gus van Sant, sur la tuerie de Colombine, et vraiment sur des adolescents qui vivent des événements traumatiques. Je voulais partir de ça et créer un personnage qui me serve d’alter ego tout en étant fictif. C’est plus simple d’utiliser un personnage fictif pour pouvoir aborder des thèmes qui me sont chers et dont j’ai du mal d’en parler à cause de la pudeur et de la timidité ou encore de la spiritualité. Ce personnage fictive, c’est donc un vecteur par lequel tu peux tout dire ! L’album est vraiment construit comme un journal intime et chaque chanson est une page de ce journal. Le lien avec les films sur l’adolescence, je ne dis pas à l’auditeur ce que c’est mais à un moment, le personnage vit un événement traumatique, c’est notamment le cas dans la chanson 21st Century Boy. Alors chacun peut l’interpréter, ça peut être une rupture, une tuerie, un accident… mais on vit tous ça une fois dans une vie. L’idée était de voir comment le personnage réagit face à cet événement. Est-ce qu’il va vers sa propre destruction ? Vers celle des autres ? Est-ce qu’il va s’isoler ? Fuir ? Et Hamlet, finalement, c’est exactement la même chose : son père se fait assassiner alors est-ce qu’il va se venger ? Fuir le monde ? Il est face à plein de choix et c’est un ensemble de questions qui traversent la pièce mais aussi mon album.

Pic by Mélanie Champion

Est-ce qu’en fin de compte, nous ne sommes pas toutes et tous des « 21st century boy/girl » ?

Clairement ! Dans l’album, je parle aussi de mon expérience à moi mais je pense que ce sont des questions existentielles qui traversent l’adolescence donc je pense qu’on peut tous se retrouver dans ce personnage.

Dans tes chansons, il y a souvent une certaine tension, quelque chose d’assez sombre que ce soit dans le texte ou dans la musique. Pourquoi ce choix ?

Comme c’est une forme de journal intime, pratiquement tout est à la première personne donc oui, ce sont des choses assez secrètes, sombres, de l’ordre de l’angoisse et de l’inquiétude. J’avais le souhait de confronter tout ça à une musique qui soit plus pop et plus vivante. C’est sûr qu’il y a des chansons plus tristes mais je voulais que la couleur globale de l’album soit relativement épique et galvanisante pour ne pas alourdir le propos qui est déjà assez sensible. C’est pour ça qu’il y a des chansons comme Blind avec un refrain très entraînant mais avec un texte qui amène un questionnement sur la religion et la spiritualité. Pour que ça ait un écho, il fallait une musique qui soit plus colorée et pop.

Est-ce que ce n’est pas trop délicat pour toi justement d’aborder des thèmes comme la religion qui sont assez touchy, sensibles ?

Pas de cette manière-là. Le fait d’avoir un peu de fiction et d’amener ça avec une musique plus pop, finalement ça facilite la tâche et allège le propos. Pareil pour les concerts : l’idée est de chanter ça de façon vivante et d’emmener le public, pas de le déprimer. C’est là l’idée de confrontation des contrastes et des humeurs.

Pic by Mélanie Champion

Pour ceux qui ne le savent pas encore, tu es acteur en plus d’être chanteur. J’ai l’impression que cinéma et musique sont de plus en plus liés, tu as notamment dit avoir été inspiré par le film Elephant de Gus van Sant, je pense aussi à Loïc Nottet qui avait dit qu’il écrivait ses chansons en regardant des films sans le son. Ne penses-tu pas qu’il y a un grand rapprochement entre les deux arts actuellement ?

Au cinéma, la musique et le silence ont toujours occupé une place très importante. De l’autre côté, la musique s’est toujours beaucoup inspirée des images. C’est quelque chose qui revient souvent. C’est plus facile de composer sur une image que de ne partir de rien. Moi, j’ai choisi l’idée d’une figure et d’en faire une narration, c’est un socle !

Mais du coup, est-ce qu’on pourrait parler d’album concept dans ce cas de figure ?

Pas vraiment, c’est plutôt un fil rouge vu que l’album est travaillé comme un journal intime. Un album concept c’est un début, un milieu, une fin et ici, tu peux ouvrir le journal à n’importe quelle page et plonger. C’est pour ça qu’il s’agit plus d’un album fil rouge que d’un album concept. C’est le personnage qui relie toutes les chansons

On t’a déjà croisé plusieurs fois en festival ou en salle et tu es une véritable bête de scène. Est-ce que tu adaptes ta prestation en fonction de tes chansons ou est-ce que tu as déjà une idée de ton jeu en composant ?

Généralement, je ne commence pas à composer en pensant à la scène, c’est plutôt la track, la compo et le texte ainsi que l’ambiance. L’aspect scénique vient plutôt après dans les dernières étapes de production, le mix… C’est là que je commence à voir des choses et à me dire « je la jouerais bien à tel moment de telle manière » mais ça vient assez tard dans le processus. Parfois, l’idée que je m’en étais faite change totalement quand on répète pour les concerts et en étant confronté à la réalité. C’est seulement une fois sur le plateau qu’on se rend compte du concret et c’est là que tout peut changer !

Pic by Mélanie Champion

Tu as pas mal tourné avec seulement les chansons de ton EP, The darkest night, et aucune de ces chansons ne se retrouve sur 21st Century Boy. Tu n’as pas eu peur, en ne les incluant pas dans l’album, que les gens se disent qu’il manque quelque chose ?

Pour moi, l’EP, c’est l’EP. Il se tenait comme ça. Du coup, elles n’étaient pas cohérentes avec le fil rouge que je voulais installer sur l’album. Même au niveau de la production sonore, il y a un travail assez différent. Dans le texte et dans l’ambiance il y a bien sûr des similitudes mais sur la production pure, il y a des influences et des références qu’il y avait peut-être moins sur l’EP. L’album est plus épique, plus large, c’est plutôt pop alors que l’EP était plutôt électro et moins large dans la production donc ça n’aurait pas été logique, ni dans la production ni dans le son. Maintenant, je me suis posé la question même d’un point de vue purement marketing de savoir si les gens voulaient retrouver les deux singles mais en fin de compte, ils peuvent les écouter sur Internet et je les joue toujours en live.

Le jour où l’album est sorti, tu as d’ailleurs rempli l’Ancienne Belgique et présenté les nouvelles chansons dans la foulée. Au niveau de la réception, est-ce que tu penses que c’est aussi bien reçu que l’EP ou mieux encore ?

Pour le moment, ça se passe assez bien et plus on avance dans les dates au plus je vois les personnes chanter ! J’ai des très bons retours sur l’album et plus enthousiastes encore que sur l’EP. Les gens ont l’air encore plus enthousiastes parce qu’il dure plus longtemps et donc ils peuvent vraiment rentrer dedans. C’est beaucoup plus large que l’EP qui était une petite carte de visite de seulement cinq morceaux. Les personnes voient une envie de proposer une nouvelle page sans être seulement dans la continuité ou de refaire la même chose. Moi, ça me motive de faire de nouvelles choses et pas simplement de prendre les cinq titres de l’EP et d’en mettre cinq autres nouveaux. Il fallait changer autant dans les couleurs que dans l’univers.

Si tu devais demander à n’importe quel artiste (vivant ou non) de reprendre une des chansons de l’album, ce serait laquelle et pourquoi ?

Je pense à plusieurs artistes mais je dirais Where do I belong ? reprise par Florence Welch de Florence + The Machine parce que je pense beaucoup à elle quand je compose et même quand je travaille la scène. Pour moi, c’est une grosse influence aussi dans le côté épique et intime à la fois. Cette espèce de rapport qu’elle a à la largeur, même elle sur scène, entre ce qu’elle propose et ce qu’elle raconte qui est très centré sur ses angoisses. Je trouve ça passionnant ce truc entre micro et macro, entre le grandiloquent et la parole hyper intime. Je veux m’inspirer de cette démarche parce que je trouve ça très très juste. Ça fonctionne aussi sur scène, ce côté très show et en même temps elle est très intérieure, très humaine. C’est fascinant. Elle est très présente dans mes influences.

Merci à Mustii !

Pic by Mélanie Champion
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