Après un premier album Songs of Praise remarqué assorti d’une solide réputation live, les Anglais de Shame étaient attendus au tournant. Il faut dire que, sous l’étiquette “post punk” un peu fourre-tout, se cachent les groupes indés les plus en vue du moment de l’autre côté de la manche. IDLES et Fontaines D.C., pour ne citer qu’eux, avaient placé la barre haute en 2020. Il fallait compter sur l’orgueil britannique de Shame pour dévoiler une réplique digne de ce nom en 2021.
La réponse n’a pas tardé. Sorti le 15 janvier dernier, Drunk Tank Pink est un concentré d’énergie punk rock dont les membres de Shame ont le secret. Mais ils ne s’en contentent pas . Après un Alphabet au rythme soutenu sur lequel s’époumone le charismatique Charlie Steen, les Anglais nous proposent des titres aux nuances et influences diverses. Nigel Hitter, Born in Luton et March Day s’inspirent clairement des Talking Heads ou encore de Television. Les guitares de Sean Coyle-Smith et d’Eddy Green se répondent subtilement. Alterner avec des passages plus calmes, les sermons dynamiques de Steen font d’autant plus leur effet. En confinement avant l’heure (l’album a été enregistré avant la crise du Covid), sur March Day, le chanteur nous confie son amour pour… sa chambre après avoir passé des mois en tournée. « In my room, in my womb, Is the only place I find peace. All alone, in my home, Yeah, I still can’t get to sleep. » On t’aime bien Charlie mais on espère quand même vite pouvoir sortir de nos maisons pour pouvoir pogoter, siroter divers breuvages entre amis,… enfin, vivre quoi.
Water in the Well, calibré pour les radios, est d’une efficacité qui a fait la réputation du groupe. Une énergie qui fera certainement un malheur en concert. Shame sait aussi nous surprendre avec la tension dramatique de Snow Day et surtout le tube presque pop Human, for a Minute. Sur cette chanson, Charlie Steen et ses acolytes changent de visage pour nous proposer une atmosphère calme et envoutante. Une parenthèse inattendue livrée de maitresse manière. Cependant, il n’est pas question de s’endormir. Shame est un groupe punk et nous le fait savoir avec deux concentrés de fureur de deux minutes chacun, Great Dog et le schizophrénique 6/1 : « ‘Cause I love what I hate and I hate what I love and I hate myself but I love myself. »
L’album se conclut sur l’excellent Station Wagon qui est un bon résumé de ce nous proposent les Anglais sur ce deuxième opus. Un savant mélange de passages calmes et de moments énervés livrés de manière cohérente. Drunk Tank Pink lance l’espoir d’une année musicalement excitante malgré les circonstances. Shame prouve qu’il n’est plus le jeune groupe à suivre mais qu’il s’impose d’ores et déjà parmi les valeurs sûres du rock britannique.
