Bien que la Caroline du Nord soit connue pour avoir vu naître de grands musiciens du jazz tels que John Coltrane ou Thelonious Monk ou encore le prolifique songwriter du folk/rock ou de l’alt-country Ryan Adams, c’est une tout autre tradition que le duo Mandolin Orange perdure dans la ville de Chapel Hill avec leur troisième album « Blindfaller » : celle de l’American roots. Chronique !
« Blindfaller », c’est un mot inventé par le compositeur et multi-instrumentiste Andrew Marlin pour définir un « bûcheron qui coupe et détruit tout sans savoir ce qu’il détruit ». Sans surprise, le champ lexical de l’album tourne donc autour de la nature, des arbres, ce que Marlin a précisé au Wall Street Journal : « Il y a beaucoup de références aux arbres, et nous ne l’avons pas réalisé jusqu’au moment où nous nous sommes assis et avons écouté l’album en entier ». De façon plus générale, d’autres allusions à la nature sont aussi présentes dans des titres comme le long single « Wildfire » ou dans le Dylanesque « Echo » dans lequel le vers « [t]he wind moved like an echo, carrying their voices » fait écho au vent soufflant de « Blowin’ in the Wind ». Enfin, en s’écartant un peu du paysage naturel pour tirer vers une relation amoureuse, on remarquera aussi le clin d’œil à Neil Young dans « Take This Heart of Gold ».
Côté musique, on est transporté par une abondance de cordes, de la mandoline au banjo, toutes jouées par Marlin mais aussi exceptionnellement par des percussions et des guitares électriques dans « Cold Lover’s Waltz », « Hard Travelin’ » et « Take This Heart of Gold » et également slides, comme dans « Picking up Pieces ». En effet, c’est la première fois que le groupe s’essaie à quelques versions full band et le résultat est plutôt convainquant. « Blindfaller » commence néanmoins avec le son atypique du duo dans le morceau « Hey Stranger », c’est à dire avec les paisibles voix de Marlin et d’Emily Frantz accompagnées d’une superposition de cordes. Il faudra attendre « Wildfire » pour entendre les premières percussions et « Picking up Pieces » pour le violon de Frantz et la guitare slide.
Cependant, c’est le rythme qui donne une dimension relaxante à l’album. A l’exception du bref et plus enjoué, presque rock’n’roll, « Hard Travelin’ », et peut-être de « Gospel Shoes » toutes les chansons restent assez lentes et pourraient être perçues comme lancinantes. Mais la pureté du son, caractéristique du style, rend « Blindfaller » facile et plaisant à écouter, il se laisserait passer plusieurs fois entièrement sans qu’on s’en rendrait compte. Certains penseraient répétitif, d’autres ravissant et reposant.
En conclusion, la beauté des textes, des mélodies, et l’instrumentalisation ingénieuse dépassent l’éventuel côté répétitif du style. Mandolin Orange offre une alternative moderne du bluegrass, American roots ou folk, et pourtant toujours aussi authentique. Ce « Blindfaller » ne détruira sans doute pas tout sur son passage mais il vaut certainement le détour jusqu’aux fantastiques forêts de la sweet Carolina de Ryan Adams.