D’une certaine manière, Saule est un géant de la musique belge. Véritable bête de scène mais aussi auteur de talent, impossible d’être passé à côté de son travail ces dernières années. On est donc allés questionner Baptiste, lui qui incarne si bien le feel good, cette bonne humeur dont nous avons tous besoin !
Comment tu vas Baptiste ?
Je vais ! Comme beaucoup d’artistes en ce moment, c’est un peu particulier, compliqué, frustrant… Malgré tout, ce qui me sauve, c’est la créativité, la création. Avant le premier confinement j’avais déjà annoncé que je reportais un peu mon nouvel album et à partir du début du confinement c’était sûr que je le reportais et avec mon label on a finalement décidé de le sortir fin mai début juin prochain. Ça nous laisse un peu de temps pour finir les derniers titres, je multiplie les collaborations en ping-pong par mail, WeTransfer… J’avance sur mon disque avec de temps en temps un musicien qui me fait un petit truc à gauche à droite, je bidouille mais ça devient long et lourd.
Tu as sorti une chanson (Mourir plutôt crever : ndlr) avec Alice On The Roof. Comment ça se passe une collaboration en temps de confinement que ce soit pour la création de la chanson, le clip… ?
Pour le clip, on a eu de la chance parce qu’on était déconfinés donc a tout juste eu le temps de le faire ! Pour la collaboration, j’ai souvent ce qu’on appelle des hallucinations auditives, c’est-à-dire que je fais une chanson et tout d’un coup j’entends quelqu’un chanter dessus. Je peux me planter mais la plupart du temps, les gens à qui je l’envoie sont sensibles à la chanson, ce qui ne m’étonne pas parce que moi je l’entendais vraiment chanter. C’était le cas pour Alice ! Je lui ai envoyé la chanson où je chantais tout de A à Z pour qu’elle puisse se faire une idée globale du morceau mais je lui ai dit « j’aimerais beaucoup que tu chantes dessus » et elle m’a répondu « ah ben chouette, si tu veux parce que j’aime beaucoup ! » Du coup tu fais des découpes dans la chanson, tu fais ce qu’on appelle muter c’est-à-dire que tu baisses le son d’une voix et tu dis « si tu veux tu peux chanter sur ce passage » et après c’est du chipo entre nous mais Alice avait son micro chez elle, elle chantait dans son coin et m’a renvoyé sa partie que j’ai gardée telle quelle parce que ses prises étaient juste géniales. J’adore sa voix, je trouve que chanter en français ça lui va super bien. Je ne sais pas comment expliquer mais je trouve qu’elle a une voix très ronde qui t’enveloppe directement quand elle chante. Je suis vraiment fan, ça a été très simple en fait. Si seulement ça pouvait être comme ça à chaque fois !
Comment tu vis ce confinement et comment as-tu vécu le premier ?
Le premier, comme beaucoup de gens, je l’ai vécu avec beaucoup de philosophie. Je me suis dit que c’était le moment de prendre du temps pour soi, de lire des bouquins qu’on n’a jamais lus, de partager des moments avec les enfants… Ça reste le cas avec ce deuxième confinement mais ici tu te dis « ça je l’ai déjà fait, ça je l’ai déjà fait… » (rires) Maintenant, passer du temps avec les enfants, c’est toujours le cas et tant mieux mais j’ai l’impression que ce deuxième confinement ne fait qu’un peu plus plomber les gens. Le premier, on ne l’avait pas fait par choix mais disons qu’on avait pu le retourner en nous disant que ça pouvait être à notre avantage. Le deuxième, c’est plus compliqué, c’est les Fêtes, les réunions de familles, l’effervescence de la fin d’année… Comme disait ma mère il y a quelques jours, il y a aussi l’esprit de Noël parce que c’est une belle période, plein de belles choses se passent à Noël et il y a aussi le plaisir de se revoir. On est un peu flingués par cette deuxième vague.

En tant qu’artiste, est-ce que tu as mis des choses en place pendant le confinement ?
Quand j’ai fait la chanson Dans nos maisons, à la base c’était juste destiné à aller sur Facebook mais beaucoup de gens l’ont vue et partagée ! Du coup mon label m’a dit que ce serait chouette de la passer en radio donc ça a été diffusé en Belgique et en France sauf que je ne voulais pas toucher les bénéfices de ce titre parce que c’est un morceau solidaire. C’est pourquoi on a décidé de reverser tous les bénéfices à une association qui s’appelle L’Ilot et qui s’occupe des sans-abri en Belgique donc tous les fonds sont allés dans leurs caisses parce que t’imagines la situation des sans-abri en ce moment, surtout avec le confinement ? Je dirais que ça a été ma maigre et modeste contribution d’artiste. Pour ce qui est des live Facebook, mon guitariste Jef en fait pas mal, je trouve ça super, tout comme Mathieu Chedid qui en a fait plein ! Mais moi, il y a un truc qui me bloque, c’est le côté contact immédiat avec les gens que j’ai toujours ressenti sur le live. J’aurais l’impression de vivre un rendez-vous manqué. On a fait des concerts sur une jambe en période de déconfinement avec les règles sanitaires devant 100-200 personnes sur une dizaine de dates et j’aspire à pouvoir reprendre ces activités quand la courbe sera redescendue. Même si c’est avec des règles sanitaires. Au moins pour refaire de la musique en vrai. Je pense que les gens ont besoin d’aller voir les artistes et les artistes ont besoin des gens. Je ne voulais pas jouer le jeu du live Facebook parce que ça aurait été comme si j’acceptais cette alternative alors que je n’ai pas envie. Je comprends et respecte ce qu’on nous impose, je joue le jeu, mais j’ai très vite envie de revenir à un déconfinement progressif dans lequel on pourra remettre sur pattes les arts en général en live que ça soit du théâtre, des concerts… La culture en vrai, c’est vital !
Tu dis que tu as joué en période de déconfinement. Comment tu as vécu ces concerts ?
C’était top ! Saule sur scène, c’est tout-terrain et les gens étaient à fond, ils se levaient… Même si on jouait le jeu, il y avait quand même une vraie énergie et une niaque qui donnaient envie d’y aller à fond ! Et donc ça a été génial ! Des fois on jouait devant 70, 100 personnes, d’autres fois 400 en extérieur, il y avait de tout. J’ai souvent dit cette phrase : « qu’importe le flacon pourvu qu’il y ait l’ivresse », parce que ça m’est arrivé de jouer devant 20 personnes, devant 10 000 et même devant 50 000 personnes une fois et je mets chaque fois la même énergie. Ce n’est pas une histoire de jauge, c’est une histoire de faire les choses en vrai.
C’est presqu’une histoire de symbiose en fait…
C’est ça. Il y a un ping-pong avec les gens, tu leur envoies de l’énergie, ils t’en renvoient et toi tu en renvoies encore plus. Ça fait un effet de vases communiquant qui ne peut pas avoir lieu sur Facebook même si heureusement qu’il y a ces live parce qu’on deviendrait fous sinon. Je ne le fais pas parce que je ne le sens pas mais je le respecte.
Comment vois-tu le statut d’artiste aujourd’hui en Belgique ?
Je vois que l’Etat essaie de faire des efforts. J’ai le droit passerelle, j’ai des potes artistes autour de moi qui l’ont aussi, il y en a d’autres qui ne l’ont pas mais je t’avoue que je ne connais pas assez les critères d’obtention mais je pense surtout aux gens des métiers techniques comme les ingés son, lumière… Je ne pense pas qu’eux aient un statut donc c’est compliqué parce qu’en plus ce sont souvent des boîtes qui ont besoin de taf pour survivre. Pour moi c’est ça le plus impactant dans la crise au niveau culturel. Concernant les artistes, je sais qu’il y en a qui n’ont pas ce droit passerelle, que ça met dans la merde et qui ont besoin de jouer, de faire des concerts… C’est très difficile pour moi de me prononcer là-dessus. J’ai beaucoup soutenu les demandes qui avaient été faites à ce sujet, je ne sais pas où ça en est aujourd’hui mais je comprends qu’il y ait urgence.

Du coup est-ce que tu aurais un message à faire passer aux politiciens par rapport à ça ou même aux autres artistes ?
On va aller faire une chanson pour un prime de la RTBF avec Alice dans quelques jours où on chantera Mourir plutôt crever et ce morceau, en fait, ça veut dire qu’on ne vit qu’une fois, qu’on ne va pas se laisser crever. On s’est rendu compte que dans la période dans laquelle on vit maintenant, ça avait tout son sens. Dire que les artistes, l’Horeca… tout le monde se serrait les coudes. Après, il y a eu des choses atroces ces dernières semaines avec des personnes qui étaient au bout du rouleau et qui se sont tuées parce qu’elles ne supportaient plus le poids de tout ça donc c’est très tight pour moi de donner mon avis. J’ai déjà ouvert ma gueule plusieurs fois et on m’a déjà dit que je n’aurais pas dû le faire (rires). J’ai envie de dire que ce qui est important en tant qu’artiste, c’est qu’on est les épaules d’une société qui a besoin de respirer, de s’évader, de penser à la suite. J’ai écrit une chanson qui s’appelle Après et même si elle est très utopique, il y a quand même beaucoup de gens qui m’ont dit que ça leur avait fait du bien d’entendre quelqu’un parler de l’après et qui espéraient qu’on allait apprendre quelques leçons sur tout ça et qu’on aura créé des alternatives pour peut-être un peu moins consumériser notre société. Je trouve qu’il y a eu beaucoup de beaux moments solidaires, je pense notamment aux gens qui applaudissaient les infirmiers puis on nous a dit qu’il fallait arrêter l’hypocrisie parce qu’on n’aidait pas ces personnes donc tu vois tout ça est très compliqué mais je pense qu’il ne faut pas arrêter ces mouvements. Je pense au contraire qu’en tant qu’artiste, il faut que je donne, que j’amène de l’oxygène aux gens. J’en ai beaucoup qui me disent merci pour mes chansons et mes textes et je me dis que c’est peut-être minuscule mais que ça fait du bien autour de moi. Je le fais déjà hors confinement donc je le fais aussi pendant.
Comment tu imagines la suite des concerts ? Tu n’as pas peur des embouteillages dans les salles ? Tu en es déjà victime ?
J’ai décidé de ne plus avoir peur. C’est un mot que j’ai banni de mon vocabulaire parce que j’ai tout le temps peur et j’en ai marre, il faut avancer. Du coup, je fais comme si tout allait reprendre dans deux semaines en sachant que ce n’est pas le cas mais que quand ça arrivera je serai prêt ! Avec mes musiciens, on prévoit la sortie du nouvel album, des répèt’, la prochaine tournée qui aura lieu à partir du mois de juin… J’ai lu un bouquin qui s’appelle Le pouvoir de l’attraction et qui dit que quand on pense très fort que quelque chose va arriver, ça arrivera donc je sais qu’on va sortir de ce confinement et qu’il faut avancer. On ne peut pas se dire que tout est plombé et foutu, je pense qu’il faut œuvrer et mettre tout son positivisme dans cette période-là et essayer de foutre un peu de niaque aux gens.
Au niveau promo, que peut-on attendre de Saule dans les prochains mois ?
Il y a cette émission qu’on va faire avec Alice et puis après il y aura un nouveau single qui arrivera dans le courant du mois d’avril et l’album est prévu pour la fin mai. Il y a des dates qui arrivent avec, en juin, la présentation du nouvel album au Théâtre 140 à Bruxelles et puis une dizaine de dates qui se programment pour l’automne ! On va entendre parler de nous en 2021. (rires)