Le jeudi 18 mai, on faisait un crochet à Lille pour le concert de While She Sleeps, le dernier d’une mini-tournée disséminée entre la France, le Portugal et l’Espagne. L’occasion pour nous de parler futur avec le chanteur, Lawrence Taylor aka Loz.
Comment s’est passée votre tournée ?
C’était génial. C’était chouette de pouvoir visiter des endroits qui ne sont pas nécessairement de grandes villes, pour voir des choses différentes, rencontrer des locaux, la vie en général.
Est-ce-qu’on peut dire, en quelque sorte, que cette tournée était une sorte de warm-up pour quelque chose de bien plus grand en septembre ?
Clairement oui. C’était carrément notre plan en fait.
Il y a un mois à peu près, vous fêtiez les deux ans de votre album Sleeps Society. En ce moment, vous en enregistrez un nouveau. Est-ce-que l’on doit s’attendre à quelque chose de similaire ou bien de totalement différent du précédent ?
Je ne veux pas en dire trop à ce sujet, c’est encore un peu tôt mais il y a pas mal de sons différents qui arrivent, que les gens n’attendent pas forcément. Mais ça n’empêchera pas les personnes qui sont déjà fans de Sleeps de s’y retrouver, il y aura toujours notre patte à nous, ce sera heavy, il y aura pas mal de guitare… On continue notre chemin petit à petit, on avance, on évolue et on change un peu. En fait, je pense que c’est pour nous que c’est le plus important, en tant que groupe, de rafraîchir un peu tout ça. On ne veut pas devenir un groupe qui sort le même album deux fois. Pour moi, un groupe qui trouve son propre son et qui fait ça toute sa vie, ça devient ennuyeux. On essaie de garder les pieds sur terre et de progresser. En résumé, c’est un peu différent mais toujours reconnaissable pour nos fans.
Précédemment, vous avez beaucoup écrit au sujet de la santé mentale, de l’unité, de la résistance… Est-ce-que vous ressentez toujours ce besoin d’en parler dans vos chansons ?
Je pense que c’est la même chose pour moi et le reste du groupe. On commence à devenir plus âgés, à gagner en maturité. On commence à réaliser qu’il y a bien plus de choses qui se passent que ce que l’on voit à la surface. Nous sommes des êtres humains complexes, je pense que cela vaut pour tout le monde. Ce que quelqu’un montre à l’extérieur ne reflète pas forcément ses sentiments profonds. On a toujours été un peu « politisés », puis je pense que chacun de notre côté, dans notre vie personnelle, on a tous traversé des périodes mentalement compliquées qu’on finit par retranscrire avec le groupe. J’ai eu pas mal de problèmes avec l’alcool, et je pense que ce moment où j’ai fini par m’en sortir m’a beaucoup influencé et m’a permis de voir les choses différemment, de passer du temps avec moi-même, de réfléchir à comment les choses ont changé, et comment je devais changer moi-même. Je pense que le reste du groupe le comprend aussi et qu’en en discutant entre nous, on a tout simplement imbriqué ça dans notre musique, comme une thérapie finalement.
C’est une histoire assez personnelle, en résumé.
Ce n’est pas juste moi tu vois. Je n’ai jamais voulu être un leader, qui écarte tout le monde du processus d’écriture. Je suis toujours ouvert à ce que les gars me rejoignent et écrivent avec moi. Comme je le disais c’est une sorte de thérapie, un message qu’ils peuvent délivrer eux aussi. Je suis toujours partant pour discuter. Le but c’est que tout le monde puisse se retrouver là-dedans, les fans aussi. Personne ne devrait se sentir abandonné dans ce genre de circonstances, c’est un peu ça que j’ai envie d’apporter dans notre musique.

Votre façon d’écrire et de créer de la musique a-t-elle changé depuis la pandémie ?
Pas vraiment, le covid a été une période très difficile pour beaucoup de groupes en ce qui concerne les tournées notamment, ou tout simplement le fait de ne plus pouvoir créer de liens sociaux. Mais cela a permis de se recentrer sur soi-même, sur notre vie personnelle… On s’est comme enfermés dans une bulle, chez nous, dans notre maison.
C’est quelque chose dont tu as besoin, de rester dans ta bulle ?
Oui, exactement. Pour les derniers albums, on a travaillé de manière tout à fait indépendante. Ça a rendu le processus beaucoup plus agréable, il y avait moins de pression, ça a permis de faire ressortir le meilleur chez nous. Si les fans et le groupe peuvent voir que l’on s’amuse, cela va se ressentir dans notre musique. Je pense qu’au fil des années, on s’est mis beaucoup de pression, avec les deadlines etc. Maintenant, on essaie davantage de se relaxer et de vraiment apprécier ce qu’on fait.
Cette année justement, vous avez tourné presque toute l’année. Comment vous combinez cela avec la création d’un album ?
On est en studio depuis quelques mois, et là on a fait comme une pause pour pouvoir faire des concerts. Je pense que c’est cool, ça nous permet de réfléchir à ce qu’on fait. C’est cool de pouvoir sortir du studio et de jouer. On peut alors mieux s’imaginer comment ce qu’on crée va ressortir en live. On s’amuse, on rencontre les fans, et on ramène cette énergie en studio. Ça aide beaucoup en fait.
Tu as aussi fait une apparition dans le morceau Heretic de Bury Tomorrow, qui fait partie de leur dernier album, The Seventh Sun. Dan nous a d’ailleurs expliqué dans une interview que vous étiez amis depuis très longtemps. Comment c’était de bosser avec eux ?
Avant-même que je ne sois dans While She Sleeps, Kris Dawson, le guitariste de Bury Tomorrow, jouait avec moi dans un groupe de chez nous. Je le connais donc depuis très longtemps. Il ne boit plus, je ne bois plus, on se voit souvent pour aller courir etc. On parle énormément. Puis un jour, pendant un jogging, il m’a fait cette proposition. Je suis un peu sceptique d’habitude pour ce genre de choses, on me fait souvent des demandes mais je n’en accepte pas beaucoup. Je préfère généralement laisser ça comme ça mais Bury a eu une période assez difficile avec ses changements de line-up notamment, et pour moi ça avait du sens. Comme Dan vous l’a dit, on est amis depuis très longtemps et on partage la même scène, la scène metalcore, et je trouve ça important de se soutenir, de rassembler les groupes. On a énormément de chouettes formations en Grande-Bretagne, je pense que c’est vraiment positif pour tout le monde de s’impliquer davantage là-dedans.
Vous leur avez également proposé de vous rejoindre lors de votre prochaine tournée. C’était important pour vous d’emmener vos amis dans cette aventure ?
Ouais ! Ça donne de bonnes vibes en backstage. Puis, ça a vraiment du sens pour nous. Ils m’ont proposé d’apparaître dans une de leurs chansons, alors je me suis dit « let’s go, on va faire nos grosses dates avec vous ». Je suis vraiment ravi de voir qu’avec tout ce qu’il s’est passé tout roule pour eux, là ils sont en Amérique et ça fonctionne super bien. Le négatif est derrière eux et c’est vraiment cool.
Tu dis que tu ne fais pas beaucoup de featuring. Comment les choisis-tu ?
Pour moi il faut une connexion. Ça doit avoir du sens. On me le demande souvent mais j’ai besoin de connaître le groupe et de sentir de bonnes vibes derrière.
Vous avez l’air super fiers de votre date à l’Alexandra Palace en septembre. Qu’est-ce-qu’elle signifie réellement pour vous ?
Si tu disais à mon moi de 14 ans que j’allais faire ce show, j’aurais saigné du nez et je me serais évanoui (rires). Quand on a fait Brixton, c’était déjà impressionnant, c’est une salle de prestige à Londres. On a alors commencé à se demander : « c’est quoi la suite ? » et c’est vraiment fou de se dire qu’on en est là. Pour moi c’est toujours un choc de savoir que des gens viennent me voir (rires). Tu peux dire ça aux gamins que nous étions et on n’y croirait pas. On est vraiment super fiers de voir comment on évolue. Personnellement, j’ai toujours ressenti ce « syndrome de l’imposteur ». Je me demande toujours « est-ce-que je le mérite vraiment? ». Je pense que ça vient notamment des trois chirurgies de la gorge que j’ai eues auparavant et galérer autant avec le chant, mes addictions… explique un peu pourquoi ce sentiment m’habite toujours. Mais à présent, on est vraiment dans une spirale positive et je pense que si tu regardes la scène metal actuelle et le While She Sleeps de ces dernières années, j’ai l’impression qu’on est capables d’accomplir de grandes choses. On a travaillé énormément pour en arriver là et je pense qu’on mérite de jouer dans de belles salles comme celle-là.
Penses-tu que votre amitié est une force ?
Oui, totalement. On a traversé énormément de choses et ce n’est pas toujours facile de vivre avec d’autres personnes, même en général. Pendant des années, on a eu des hauts et des bas, concernant la drogue par exemple, et on a commencé à réaliser qu’on devait faire attention, à nous et aux autres. On a une responsabilité importante pour nos fans, de donner le meilleur de nous-même en live et je pense qu’on a bien surmonté cela tous ensemble. C’est un peu comme ça que fonctionnent toutes les relations, ce n’est pas seulement monter sur scène. On a grandi en tant que personnes, et on est devenu plus forts en tant que groupe.
Pour conclure, est-ce-qu’on peut dire que 2023 est l’année de While She Sleeps ?
Evidemment. Et 2024, et 2025…
