Interview : Dan Winter-Bates (Bury Tomorrow)

A l’occasion de la sortie de The Seventh Sun le 31 mars prochain, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le frontman de Bury Tomorrow, Dan Winter-Bates. Nous avons parlé avec lui de santé mentale, de l’état de notre monde mais aussi du devoir de résistance. Un entretien riche que nous vous invitons à découvrir !

Dans The Seventh Sun, tu chantes à propos de la chute de l’humanité, de la façon dont les puissants détruisent notre monde. Qui penses-tu être le plus responsable de tout ça ?

C’est une question difficile ! Je pense que globalement, la société a besoin d’être un endroit plus accueillant. C’est facile de toujours regarder les gouvernements du monde entier et de s’attendre à ce qu’ils fassent plus, ce que je trouverais être une bonne chose, mais je pense que la société est quelque peu concentrée sur elle-même et tend à être égoïste. Le monde est plutôt dans le « prendre, prendre, prendre » alors que ça devrait plutôt être « donner, donner, donner » ! Je pense qu’on doit tous grandir, on a tous des choses à apprendre. C’est comme ça qu’on sera meilleurs en tant qu’humanité. Tout le monde est responsable de ce qui arrive, moi inclus, ce serait ça ma réponse.

Dans Begin Again, Tom dit « chosing to crawl when you can no longer walk » (« choisir de ramper que tu ne peux plus marcher »), est-ce que c’est une façon pour toi de dire qu’il y a toujours une possibilité de changer les choses ?

Absolument, pour moi, il y a toujours une possibilité de grandir et d’apprendre. Une possibilité de recommencer. Et ces paroles, ça veut dire que même dans les pires moments, il y a une capacité à avancer, avec ou sans le soutien d’autres personnes, même si c’est « moins bien payé » que ce qu’on en a l’habitude. On a tous vécu ça ces 2-3 dernières années, tout le monde s’est questionné, s’est demandé ce qu’il voulait de la vie, ce qu’elle pouvait leur offrir et ça pourrait être d’avoir plus de soutien des autres. La pandémie a été très difficile pour tellement de personnes… On peut espérer sortir de quelque chose comme ça le plus rapidement possible.

Dans certaines chansons comme Boltcutter, tu parles de résistance, de faire tomber les puissants de leur trône. Selon toi, qu’est-ce qui nécessite ce devoir de résistance ?

Pour moi, résister c’est dire quand les comportements et actions ne sont pas bons. Quand on en arrive à des choses discriminantes ou qui manquent d’inclusion, qui n’aident pas les autres, c’est contre tout ça qu’il faut résister ! Dans ce monde, c’est facile d’être un mouton et de suivre ce que les masses vous disent et malheureusement, on ne vit pas dans un monde gentil mais plutôt dans un endroit qui semble inclure la norme, où les gens ne peuvent pas parler des différences, de races, de religions, de croyances, d’orientations sexuelles, de genres, indépendamment de ce que ça pourrait être … On craint toujours la différence et quand on a cette peur, elle se manifeste en étant vraiment négative et discriminante envers les personnes concernées et malheureusement, beaucoup de personnes suivent le mouvement. Il y a eu des moments vraiment très mauvais dans l’Histoire et personne ne semble avoir retenu la leçon de ça. C’est là qu’on a besoin de résister à l’envie de bêtement se conformer. Le défi, c’est de se battre contre ce qu’on estime être fondamentalement, moralement et éthiquement mauvais.

Quel rôle penses-tu jouer dans cette situation en tant qu’artiste ?

Je pense que tout le monde a cette capacité de résister, indépendamment de sa position ou de son influence. Oui, je suis dans un groupe et j’ai un certain niveau d’influence et en tant qu’artiste et que quelqu’un dans le milieu depuis un moment, je sens véritablement que chacun a une obligation de partager ce message de bonté et d’être conscient qu’il faut aider son prochain. Tout le monde a cette responsabilité mais être dans une groupe de musique heavy, ce qui est une chose incroyable, c’est un challenge de parler de ça, de l’amener dans nos chansons, nos paroles. C’est très important et ça nous tient à cœur de le faire dans Bury Tomorrow.

Il y a aussi un featuring sur cet album avec Loz Taylor de While She Sleeps sur la chanson Heretic. En plus de ça, While She Sleeps vous invitent en tournée cet automne. Comment est née cette collaboration ?

On est amis depuis de nombreuses années maintenant. C’était tout simplement l’opportunité parfaite ! C’était juste avant de savoir qu’on serait sur la tournée, on discutait justement des voix et on savait que Heretic serait un des morceaux les plus lourds de l’album. Et donc on se triturait nos cerveaux pour savoir avec qui on n’avait pas encore fait de feat. Mais ce n’est pas la seule raison qui nous a poussés à choisir Loz, il est connu sur la scène depuis longtemps, c’est un frontman et chanteur incroyable, on a grandi avec While She Sleeps ! Je le connais depuis des dizaines d’années donc tout ça a fait que c’était le moment parfait pour le faire alors qu’on parlait aussi d’une tournée. Nos liens sont serrés depuis des années, nous sommes des amis qui se soutiennent et se suivent depuis 2012, on les a vus dans leurs premiers concerts sur les scènes locales… On a eu une longue carrière en faisant des choses très différentes mais aussi très similaires. Loz a tellement géré sur Heretic. Même le clip, c’était vraiment génial à tourner ! On savait qu’on voulait une vidéo avec quelque chose de narratif donc c’était vraiment sympa de le voir jouer ce rôle et de voir deux groupes anglais tourner ensemble.

Est-ce que le titre de l’album, The Seventh Sun, symboliserait le renouveau de l’humanité, le commencement ou la fin d’une ère ?

Clairement, je pense vraiment que c’est le début d’une nouvelle ère ! Dans un groupe, il y a des cycles qui nous permettent de savoir dans quelle ère on se retrouve grâce à l’album dans lequel est. The Seventh Sun est notre septième album, c’est la septième fois qu’on fait le tour du soleil, c’est notre ère. Pour nous, il y a beaucoup de changements dans notre musique et dans notre line-up qui ont amené du bonheur dans le groupe. Je pense que c’est notre moment ! J’ai l’impression qu’on a longtemps cherché quelque chose et aujourd’hui, il semblerait qu’on l’ait trouvé. Les gens parlent de nous, veulent qu’on réussisse, on veut réussir et être heureux dans notre musique. Et si c’est l’ère du septième soleil, quelle opportunité parfaite d’être dans un groupe qui pousse depuis presque deux décennies et d’être dans cette position où on veut nous voir y arriver malgré tous les changements qu’on a traversés. Ça ne peut pas représenter tous nos changements, mais le fait que le public cherche des significations dans nos paroles montre qu’on est persistants, qu’on peut être dans une position inconfortable (comme c’était notre cas avant) et aller vers du meilleur.

J’ai l’impression que sur cet album, tu occupes une nouvelle position dans le groupe, comme si tu étais plus présent et qu’il y avait une nouvelle atmosphère avec ta voix. Est-ce que c’est venu naturellement ou est-ce que ça a été discuté avec le groupe ?

Je m’améliore de plus en plus. Ça sonne un peu arrogant de dire ça (rires), mais je suis meilleur vocalement aujourd’hui que je ne l’ai jamais été. Les gens qui me suivent sur les réseaux sociaux me le disent en me voyant poster des prises vocales, des « one takes » et je n’ai jamais fait ça avant parce que je n’avais absolument pas confiance en moi au point de me mettre en avant comme ça. Je sais que je suis cohérent, que je peux faire des tournées, je sais comment ça a commencé, mais enregistrer ma voix, c’est clairement la partie la plus difficile pour moi. Être enfermé dans ce petit espace (du studio, ndlr), c’est la partie la plus terrifiante quand t’es vocaliste. La cohésion entre ma voix et celle de Tom vient du fait que c’est davantage poussé vers l’avant parce que ce n’est pas juste « couplet, refrain, couplet, refrain » entre nous. Tom sait chanter et crier de façon mélodique donc on a tenté de condenser nos deux voix ensemble, ce qui fait qu’au lieu d’avoir un chant scream et un chant clair, nos deux voix ne font presque qu’une. Au final, on se dit « cette chanson est vraiment lourde ! » sans penser « il faut du chant clair ici, du scream là. » On a tout donné pour arriver à ce but. Hormis tout ça, j’essaie de faire du mieux que je peux en tant que vocaliste, d’être impliqué dans l’écriture des voix, des mélodies comme c’était le cas sur cet album.

En 2020, vous avez sorti l’incroyable Cannibal, une référence dans le métalcore actuel selon moi. Depuis, vous avez accueilli deux nouveaux membres dans le groupe avec Tom Prendergast et Ed Hartwell. Comment s’est passée la construction de The Seventh Sun alors que vous reconstruisiez le groupe ?

C’était incroyable, vraiment ! On a sorti Life et Death il y a un an et qui étaient prédestinés à sortir sur l’album parce qu’on a su, dès le moment où le line-up du groupe a changé, qu’on voulait sortir de nouvelles chansons rapidement. Ces deux morceaux ont été enregistrés comme des faces B mais leur accueil a été incroyable, Death est un de nos plus gros titres en live maintenant ! C’est dingue parce que c’est sorti il y a un an et en tant que groupe depuis autant d’années, avec autant de singles (généralement quatre par album) et six albums derrière nous à ce moment-là, rajouter deux nouveaux morceaux dans notre setlist faisait que les fans auraient pu nous pardonner de ne pas se soucier de ces titres mais Death est véritablement devenu un de nos plus gros titres en concert. C’était un bon moyen pour notre public de visualiser ce vers quoi on avait envie d’aller. A ce moment-là, on a su que Ed et Tom n’allaient pas être des musiciens de studio mais bien des membres du groupe à part entière. C’est une grosse différence pour nous dans notre façon de travailler et d’accueillir des gens dans le groupe, mais on savait qu’on les voulait ! Ils sont directement devenus des auteurs dans le groupe, plutôt que de dire « hey, on est Bury Tomorrow et vous allez améliorer ce qu’on fait ! » On a juste dit « on laisse tomber ce qu’on fait et soyons le meilleur groupe qu’on puisse être ! » Ed a une écriture massive et une majorité des chansons qu’il a proposées sont incroyables comme Carcass King ou The Seventh Sun. Tom a assuré la quasi-totalité de la production de l’album mais était aussi impliqué dans l’écriture de certaines chansons comme Begin again par exemple. C’est un auteur exceptionnel, c’est son job et il sait aussi jouer d plein d’instruments donc il a produit pas mal de morceaux. Ils se sont vraiment bien intégrés dans tout le processus !

Au-delà de ces questions de chute de l’humanité, tu parles beaucoup sur les réseaux sociaux de santé mentale, d’anxiété, de la façon dont tu fais face à tout ça. Est-ce que ça fait partie de ton inspiration dans ton processus d’écriture ou est-ce que tu essaies de dissocier tout ça de tes paroles ?

Après Cannibal, je ne peux probablement plus faire ça (rires). Quand j’ai écrit cet album, j’étais hyper honnête, ouvert et vulnérable. C’était un album complètement à propos de ma santé mentale. Ce que j’ai fait, c’était déverrouiller des endroits où je peux être très sombre, où je peux aller. Cannibal n’a pas été écrit en mode « Cette chanson parle d’anxiété, cette chanson parle de dépression », c’était plutôt une façon de montrer comment je voyais la vie en ressentant toutes ces choses. Sur cet album-ci, j’ai écrit sur la façon dont je me sens mentalement mais à propos de la société et toutes ces choses ; ça peut être à propos du gouvernement, l’état du monde en général mais ce sera plus sombre et davantage mes propres réflexions mentales. Ça veut juste dire que j’ai débloqué un endroit où je peux être ok à propos de tout ça. Il y a des chansons sur The Seventh Sun à propos de ma convalescence mentale mais les autres font juste partie de mes réflexions à propos d’où j’en suis donc ça ne fait pas spécialement partie de mon processus d’écriture parce que je n’écris pas à la troisième personne, j’écris à propos de moi. Je n’essaie pas d’échapper à moi-même !

Merci à Dan de nous avoir accordé du temps pour ce précieux entretien !

Photo credit: Nic Bezzina 

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